Le président Michel Aoun a déclaré que c’est difficile de rendre à l’armée son monopole de la force,cela est dû « à des raisons externes et internes». Sur le plan interne, « il y a un manque matériel et un déficit budgétaire qui nous empêchent d’équiper l’armée de manière à l’habiliter à protéger le Liban au niveau interne et externe. Et cela, en dépit de certaines donations récentes en armes en provenance des États-Unis, qui nous ont permis de mener la bataille dans la montagne (de Hermel et Ras Baalbeck, NDLR) ». Il répondra du reste par la négative à la question de savoir si les États-Unis ont établi une base militaire à Hamat, dans la Békaa. ».
Sur l’option d’un lobbying diplomatique qui aboutirait à accroître l’aide à l’armée. « Toute affaire étrangère n’est une garantie pour personne. L’homme est sa propre garantie par ses propres moyens. Aucune protection étrangère ne s’est avérée bénéfique pour nous », a-t-il affirmé.
Le problème externe justifiant le port des armes par le Hezbollah se résumerait, lui, aux « problèmes au Moyen-Orient, dont nous ne sommes pas responsables ». C’est pourquoi le Liban est jusqu’à ce jour dans l’incapacité de récupérer l’ensemble de ses territoires occupés ni de trouver une issue au problème des réfugiés palestiniens « bloqué jusqu’à ce jour », a précisé Michel Aoun. Déplorant le fait que c’est le Liban qui a toujours été l’agressé, et Israël l’agresseur, il a rapporté « les craintes de nouvelles agressions que vivent les villages frontaliers ».
En attendant que la question des armes du Hezbollah soit réglée simultanément à « la résolution des problèmes du Moyen-Orient », le chef de l’État a dit tabler sur « trois documents garants de la stabilité interne, qui limitent les actions armées à l’intérieur et concernent les armes du Hezbollah » : la résolution 1701 pour laquelle le Liban et, selon lui, le Hezbollah sont engagés ; l’accord de Mar Mikhaël conclu en 2006 entre le Hezbollah et le Courant patriotique libre ; et enfin la déclaration ministérielle.
Le président Aoun a ajouté que : « Notre plus grande force est de préserver l’équilibre national » et de le faire en écartant les questions « qui dépassent nos frontières ». Mais même au-delà des frontières libanaises, il n’a pas tenu le Hezbollah pour « responsable » dans les conflits dans lesquels il s’est engagé. « Le Hezbollah n’est pas responsable des conflits à l’extérieur », a-t-il dit, en arguant du nombre élevé de pays impliqués par exemple sur le terrain syrien.
Ensuite sur le retrait des investisseurs arabes du marché libanais à cause de l’influence grandissante du Hezbollah, Michel Aoun a choisi de répondre « en toute franchise » aux Saoudiens, sans les nommer : « Nous les comprenons et eux nous comprennent. Qui plus est, nous ne pouvons donner plus que ce que nous donnons. Nous ne pouvons renoncer à notre unité nationale. » Il ajoute : « Je ne couvre personne, je ne fais que couvrir l’unité nationale. Le modus vivendi qui règne sur le pays veut que personne ne lève la main sur personne et que nous vivions ainsi en paix (…). J’ai dit aux pays arabes lors du dernier sommet que je me joindrai à eux s’ils adoptent une démarche de paix, non de guerre. » Il a en outre démenti l’existence de correspondances directes entre le ministère des Affaires étrangères et le gouvernement des Émirats pour lever l’interdiction faite à leurs ressortissants de se rendre au Liban. « Nous avons adressé des réassurances à tous les États arabes, par le biais de leurs ambassadeurs : nous ne réglons pas nos comptes politiques en commettant des agressions sur notre territoire. »
Sur la définition de la politique de distanciation : est-elle une distanciation par rapport aux intérêts arabes ? Michel Aoun répond : « Les Arabes se disent tous frères et nous ne pouvons prendre parti avec l’un contre l’autre », a-t-il dit, en mettant en doute leur solidarité. « Tous les Arabes sont-ils contre l’Iran ? » Une remarque qui n’est pas sans valoriser le Qatar, dont il cite d’ailleurs l’ancien ministre, cheikh Hamad ben Jassem, pour mettre en doute le choix de recourir à un appui étranger.
En contrepartie, il a fait remarquer que « l’Iran a une présence au Moyen-Orient qu’il nous faut aussi prendre en compte ». Prié de commenter les récentes déclarations du président iranien Hassan Rohani, qui s’était vanté de l’influence croissante de Téhéran dans plusieurs pays de la région, dont le Liban, le chef de l’État a dit « ne pas sentir qu’une pression se dégageait de ces propos ». « L’Iran n’est-il pas présent dans toutes les solutions qu’on cherche à trouver aux conflits de la région ? N’a-t-il pas une influence sur les discussions entre les protagonistes du conflit syrien à Astana et à Genève ? » a-t-il demandé, se faisant presque l’écho de son homologue iranien.
Plus prudent sur la question des relations avec Damas, il a estimé qu’une normalisation en vue d’assurer le retour des déplacés exigerait « une volonté aujourd’hui inexistante et une prise de contact politique pour l’instant improbable (…) même si nos relations avec la Syrie sont maintenues au niveau diplomatique ». Il a démenti par un « non » ferme les allers-retours en catimini du ministre Pierre Raffoul à Damas. Il a toutefois confirmé implicitement les propos d’un journaliste sur les efforts du Premier ministre auprès de Moscou pour sécuriser le retour d’une partie des déplacés vers des zones de désescalade en Syrie.
S’agissant des nouvelles sanctions américaines contre le Hezbollah, il s’est contenté de dire qu’ « elles n’auront pas plus d’effet que les précédentes ».
Les paroles du président Michel Aoun ont été déclarées lors d’un entretien avec les directeurs des informations politiques des huit chaînes télévisées libanaises.