Parce qu’ils sollicitent notre attention en permanence, les contenus du Web saturent notre mémoire de travail. S’il ne faut pas crier à la catastrophe, mieux vaut savoir à quoi s’en tenir quand on passe des heures à surfer.
Depuis que le Web est entré dans nos vies, les Cassandre mettent en garde les internautes contre ce flot ininterrompu d’informations disponibles partout et à tout instant : les heures que nous passons à surfer nous abêtiraient ! En se substituant à notre propre mémoire, l’omniscient Google ferait de nous des êtres superficiels, tout juste capables de cliquer de lien en lien…
Catastrophisme ou réelle menace ? Ce dont les scientifiques sont sûrs, c’est que surfer ne serait-ce qu’une heure par jour modifie nos connexions neuronales. Ce qui est parfaitement normal : apprendre à lire ou toute autre activité nouvelle produit les mêmes effets. Mais dans le détail, une étude américaine menée en 2008 a montré que la pratique régulière du Web augmentait l’activité dans le cortex préfrontal, soit la zone impliquée, entre autres, dans la prise de décisions. Là encore, rien d’étonnant : contrairement à la lecture linéaire dans un livre, les liens hypertexte, vidéos, bannières de pub et tweets obligent l’internaute à prendre sans cesse des décisions (cliquer ou pas ?), au lieu de se concentrer sur sa lecture.
Nous sommes saturés d’informations
Et c’est là que réside le problème avec le Web : toutes ces sollicitations limitent les capacités à comprendre et à retenir ce qu’on lit. Plusieurs travaux pointent ainsi le fait que la seule présence de liens hypertexte diminue la capacité à suivre le fil d’une histoire ainsi que le nombre d’informations qu’on retient, le cerveau préférant mémoriser le moyen de retrouver l’information sur le Web plutôt que l’information elle-même.
Des chercheurs ont même constaté qu’à force de cliquer d’un lien à l’autre, des élèves de CM2 s’écartaient du motif de leur recherche au point de l’oublier ! C’est ce que les scientifiques appellent la “désorientation cognitive”.
La mémoire à long terme risque de se tarir
De fait, notre mémoire de travail, celle qui permet de retenir à court terme ce que nous lisons, n’est pas infinie. Si trop d’informations l’assaillent, les données sont perdues avant d’avoir pu être transmises à la mémoire à long terme, celle qui stocke de manière pérenne nos connaissances. Or, ce sont elles qui nous permettent de mettre en perspective les faits nouveaux, d’organiser nos idées de façon pertinente, de prendre du recul pour réfléchir autrement… bref, de penser intelligemment.
Pour l’heure, les scientifiques manquent d’études pour évaluer l’impact exact du Web sur notre intellect, mais on sait déjà que les heures passées à surfer ne nous enrichissent pas de la même manière que celles consacrées à lire un livre.
Source:(Science et Vie)