Sa réputation en lambeaux, la société britannique Cambridge Analytica, accusée d’avoir utilisé les données d’utilisateurs de Facebook à leur insu pour influencer l’élection présidentielle américaine de 2016, a annoncé mercredi son sabordage après avoir amené le premier réseau social mondial à engager des changements sur l’utilisation des données privées.
C’est l’entreprise par qui le scandale d’ampleur mondiale a éclaté, et c’est Christopher Wylie, l’ancien informaticien de génie de Cambrige Analytica qui lançait l’alerte mi-mars. Des millions de données privées avaient été siphonnées par le biais de Facebook, à l’insu de leurs propriétaires.
La société d’analyse de données et de communication stratégique s’en était servie notamment pour faire peser le vote en faveur de l’election de Trump en 2016. Ses responsables s’en étaient vantés, dans un documentaire tourné en camera cachée par Channel 4. La société était accusée d’avoir influencé également le referendum sur le Brexit. L’issue avait été la victoire du Leave, la sortie de l’UE du Royaume-Uni.
Ce mercredi 2 mai, Cambridge Analytica annonce la cessation de ses activités, faute de pouvoir poursuivre ses opérations, dit-elle. Une procédure d’insolvabilité est entamée au Royaume-Uni et une procédure de faillite bientôt ouverte aux Etats-Unis
L’annonce est accueillie avec scepticisme à Londres.
Nous devons nous assurer que ce n’est pas une tentative pour ces sociétés de fuir leurs responsabilités et de cacher ce qu’elles ont fait.
Les enquêtes en cours concernant l’utilisation des données, l’éthique et la légalité de leurs pratiques doivent se poursuivre. Nous devons savoir ce qui s’est passé. Car c’est très facile de fermer des entreprises et de ré-emerger ailleurs avec les données intactes a dit Damian Collins, Commission parlementaire britannique, 2 mai 2018
Les parlementaires britanniques estiment ne pas en avoir fini avec Cambridge Analytica, ils veulent notamment ré-entendre son PDG, Alexandre Nix, suspendu par sa société “le temps de l’enquête”.
Sur le fond, la position de Cambridge Analytica n’a pas changé. Elle dément publiquement toute utilisation illégale des données, aux Etats-Unis comme au Royaume-Uni – et se présente comme une victime du traitement médiatique.
La compagnie a été dépeinte comme étant presque un méchant de James Bond mais Cambridge Analytica n’est pas un méchant de James Bonda dit Clarence Mitchell, porte-parole de Cambridge Analytica, 26 avril 2018
Les données personnelles, mine d’or des géants du net
Restent les enseignements du scandale Cambridge Analytica, révélé par les médias britanniques. Pour le grand public, c’est une prise de conscience des risques du stockage et de l’utilisation des données privées, ainsi que des coulisses de la publicité en ligne qui sous-tend le “business model” des géants du net. Une industrie qui fait de l’utilisateur un produit – le sien – et qui fait passer la protection des personnes et la confidentalité des informations privées après leurs propres intérêts économiques.
Le business du stockage et de l’utilisation des données reste plus que jamais porteur pour les grands groupes. Il reste à réglementer.
Mark Zuckerberg, le patron de Facebook a reconnu des erreurs et promis des mesures. Les Européens, qui renforcent leur législation de protection des données personnelles, attendent toujours de pouvoir l’auditionner.
Source:(Le Monde)