Pressée par Bruxelles d’enclencher la vitesse supérieure, Theresa May réunit vendredi son gouvernement pour préciser sa position sur la future relation qu’elle souhaite avec l’Union européenne et tenter de surmonter les divisions explosives que le Brexit suscite parmi ses ministres.
La rencontre devrait débuter dans la matinée à Chequers, la résidence de la Première ministre conservatrice, située à 70 km au nord-ouest de Londres.
Loin de s’annoncer comme une partie de campagne, la réunion risque d’être très tendue entre partisans d’une relation commerciale étroite avec l’UE et supporteurs d’un divorce sans concession, sous l’oeil attentif de Bruxelles qui exige une position claire du Royaume-Uni à moins de neuf mois du Brexit.
Selon la presse britannique, Theresa May souhaiterait un alignement avec les règles européennes pour le commerce des biens, y compris agroalimentaires. En revanche, cette solution “ne permettrait pas au Royaume-Uni” de signer avec les Etats-Unis le type d’accord commercial dont il rêve pour réussir l’après-Brexit, d’après des documents de travail cités par plusieurs journaux.
De quoi hérisser le poil des eurosceptiques, qui voient dans cette possibilité un dévoiement du vote des Britanniques en faveur de la sortie de l’UE.
“Si c’est vrai, cela priverait l’économie britannique de tous les avantages de Brexit”, a réagi jeudi le député conservateur Owen Paterson. “Nous serions hors d’Europe, mais toujours dirigés par l’Europe”.
Alors que les critiques affluaient, Downing Street a affirmé qu’il était “catégoriquement faux de laisser entendre que [les Britanniques ne seraient] pas en mesure de conclure un accord commercial avec les États-Unis”.
Au coeur des divisions figure la très sensible question irlandaise, le Brexit menaçant de recréer une frontière entre le nord rattaché au Royaume-Uni et le sud membre de l’UE.
A Chequers, les “Brexiters” devraient défendre une solution dite de “facilitation maximale”. Elle intègre la mise en place de contrôles douaniers entre le Royaume-Uni et l’UE, mais propose de s’appuyer sur des solutions technologiques pour conserver la fluidité des échanges.
Partisans d’une ligne dure face à Bruxelles, le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson et celui du Brexit David Davis devraient se ranger derrière cette option.
Face à eux, les ministres des Finances, Philip Hammond, et de l’Industrie, Greg Clark, veulent la solution plus “douce” d’un partenariat douanier inédit: le Royaume-Uni percevrait les taxes douanières au nom de l’UE pour les biens transitant sur son territoire mais destinés au marché des 27.
A l’heure où il lui faut convaincre les Européens sur la suite des négociations, Theresa May s’est rendue cette semaine au Pays-Bas et en Allemagne. Jeudi, depuis Berlin, elle a promis que la réunion de Chequers “fixerait une voie pour avancer afin de permettre aux négociations d’accélérer”.
Jeudi prochain, l’exécutif britannique publiera un livre blanc détaillant ses objectifs, et réclamé “avec impatience” par le président du Conseil européen, Donald Tusk.
“Plus vite nous aurons une proposition britannique précise sur la frontière irlandaise, meilleures seront les chances de finaliser les négociations du Brexit cette année”, a-t-il déclaré.
Lors d’un sommet la semaine dernière à Bruxelles, les 27 s’étaient dits “préoccupés par le fait qu’aucun progrès substantiel n’a encore été réalisé” sur cette question.
Face au risque de blocage, le chancelier autrichien Sebastian Kurz, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE, a évoqué jeudi la possibilité de prolonger les négociations pour empêcher que le Royaume-Uni quitte l’Union sans accord de divorce.
“Si nous ne parvenons pas à une solution, alors je plaide pour que l’on poursuive les négociations afin d’éviter un Brexit dur”, a-t-il dit.
Theresa May fait également face à une très forte pression des milieux économiques. Après Airbus la semaine dernière, le directeur général de Jaguar Land Rover (JLR), Ralf Speth, a prévenu qu’un Brexit dur le mènerait à revoir ses investissements au Royaume-Uni.
La patience des entreprises britanniques “est à bout”, a résumé Adam Marshall, le directeur général des British Chambers of Commerce (BCC), qui groupe 52 chambres du commerce régionales britanniques.
Source: AFP