Frances H. Arnold, George P. Smith et Gregory P. Winter sont récompensés pour leurs travaux permettant d’accélérer la sélection de molécules et de médicaments inédits.
Domestiquer l’évolution dans un tube à essai. Multiplier les mutations de molécules et les sélectionner sans pitié pour faire émerger de façon accélérée des fonctions nouvelles. Et ainsi obtenir des réactifs ou des médicaments plus efficaces. Ce sont ces percées, résumées sous le vocable d’« évolution dirigée », qui ont été consacrées par le prix Nobel de chimie, mercredi 3 octobre. Le jury suédois a attribué la moitié du prix à l’Américaine Frances Arnold (Caltech, Pasadena, Californie), tandis que son compatriote, George Smith (université du Missouri, Columbia), et le Britannique Gregory Winter (université de Cambridge), se partagent l’autre moitié des 860 000 euros.
Si la part de la lionne revient à Frances Arnold (62 ans), c’est sans doute parce qu’elle a été parmi les premiers à avoir l’intuition, au début des années 1990, qu’il serait possible de faire mieux que l’évolution, en passant par les mêmes chemins, mais en accéléré. « C’était assez gonflé, car la communauté partageait l’intuition que la nature, au fil des millions d’années d’évolution, avait déjà atteint une forme de perfection », salue Philippe Minard (Institut de biologie intégrative de la cellule, Gif-sur-Yvette), dont le laboratoire utilise quotidiennement les techniques lancées par l’Américaine.
Frances Arnold a obtenu des enzymes totalement nouveaux, en partant de gènes naturels, qui codent leur synthèse dans l’ADN. Elle créait d’abord de vastes collections de mutants génétiques et passait au crible les molécules produites pour ne retenir que celles qui étaient les plus performantes dans une situation donnée. C’est en ce sens que l’évolution était dirigée.
En repartant de ces candidats mieux adaptés, il était possible d’induire de nouvelles mutations pour sélectionner des enzymes plus réactifs et, au fil des générations, à aboutir à des protéines plus efficaces encore. Un peu comme la sélection variétale qui consiste à ne garder que les graines des meilleures plantes d’une année sur l’autre, mais à l’échelle microscopique et en accélérant les saisons.
Source : lemonde.fr