Les principales dispositions incluses dans la version finale du budget de 2019, telles que votées par le Parlement vendredi dernier. La loi de finances de l’année en cours doit en principe être publiée aujourd’hui au Journal officiel, après que le ministre des Finances eut demandé quelques jours supplémentaires pour actualiser ces chiffres.
Les mesures d’austérité visant à réaliser des économies budgétaires
– Le gel des recrutements sous toutes ses formes (contractuels, journaliers, prestataires de service…) dans la fonction publique, y compris dans l’armée, les employés de 1re catégorie, les juges, les professeurs de l’Université libanaise, les présidents et membres des conseils d’administration des établissements publics et les employés des organismes de contrôle ainsi que les volontaires de la Défense civile ne seront pas concernés par ce gel. Celui-ci restera en vigueur jusqu’à ce que le gouvernement effectue un audit des ressources humaines de la fonction publique et un recensement des postes occupés et vacants, en coopération avec des cabinets de conseil spécialisés et les établissements publics concernés (dont l’Inspection centrale). Une copie de ce rapport devra être transmise au Parlement.
– Le gel des départs anticipés à la retraite pendant trois ans pour les fonctionnaires, y compris pour les militaires et les membres des forces de sécurité. Les juges et les colonels ne sont pas concernés par ce gel, ainsi que les fonctionnaires faisant l’objet de décisions disciplinaires ou médicales.
– Le plafonnement du total des indemnités et compléments de salaires perçus par les fonctionnaires et les militaires au cours d’une année à l’équivalent de 75 % de leur salaire principal pour la même année.
– Le plafonnement à trois fois le salaire minimum (qui est actuellement de 450 dollars) des rémunérations des juges pour leur mission de conseil au sein d’autres administrations.
– Une ponction mensuelle de 1,5 % sur les pensions de retraite des anciens militaires qui servira à financer leur couverture maladie. Le gouvernement prévoyait initialement une ponction de 3 %, mais les députés ont abaissé cette ponction face à la mobilisation des anciens militaires.
– L’interdiction de cumuler un salaire de la fonction publique et une pension de retraite de la fonction publique.
– L’arrêt des versements des bonus et des rémunérations salariales autres que celles des douze mois de l’année, à l’exception de certains établissements publics qui pourront toujours verser un treizième et un quatorzième mois.
– La hausse du nombre d’années d’exercice nécessaire pour pouvoir effectuer une demande de départ à la retraite, qui passe de 20 à 25 ans dans l’administration. En ce qui concerne l’armée, cela passe de 18 à 23 ans pour les soldats et gradés ; de 20 à 25 ans pour les officiers ; et de 15 à 18 ans pour les officiers spécialistes.
– La part des revenus perçus sur les amendes issues d’infractions de la circulation ou de décisions prononcées en justice et transférées au Trésor a été revue à la hausse, et ce à compter du 1er janvier 2019. Tandis que les parts de ces revenus transférées aux caisses des Forces de sécurité intérieure, des municipalités et des assistants juridiques ont été revues à la baisse. Il était question de revoir à la baisse également la part de ces revenus transférée à la Caisse mutuelle des juges, comme l’avait envisagé le gouvernement dans sa version du projet de budget, mais les députés sont revenus là-dessus face à la forte mobilisation des juges.
– La baisse des congés annuels à partir de 2020 (hors enseignants et juges) de 20 à 15 jours, avec la possibilité de gagner un jour de congé par an supplémentaire tous les cinq ans.
– La baisse progressive de 15 % des aides scolaires accordées par l’État aux fonctionnaires pour leurs enfants, et ce à partir de l’année 2019-2020.
– Le rééchelonnement d’un certain nombre de lois-programmes.
Les nouvelles dispositions fiscales
– L’instauration d’une taxe temporaire (pour une durée de trois ans) de 3 % sur les produits importés soumis à la TVA, soit environ 55 % des produits importés. Le carburant sera exempté de cette taxe, à la demande des députés du Hezbollah. Les équipements industriels et les matières premières seront également exemptés, face à l’insistance des députés (et industriels) Michel Daher et Neemat Frem. Compte tenu des recettes exceptionnelles qu’elle générera, cette taxe est l’une des principales mesures sur lesquelles compte le gouvernement pour parvenir à réduire le déficit public en 2019. Elle devra vraisemblablement s’appliquer aux produits européens, en dépit de l’accord d’association liant le Liban à l’Union européenne. Une partie de ces recettes devait initialement être allouée à des programmes de soutien aux secteurs productifs et au financement des prêts au logement subventionnés, mais toutes les recettes iront finalement au Trésor.
– La hausse temporaire de l’impôt sur les intérêts bancaires de 7 % à 10 %. Cette hausse sera effective dès le lendemain de la publication de la loi de finances de 2019, et ce pour une durée de trois ans.
– Les pensions de retraite seront désormais soumises à l’impôt sur le revenu (à l’exception des pensions de retraite des martyrs et blessés de l’armée et des forces de sécurité). Un abattement (une déduction appliquée à un montant donné avant le calcul du revenu imposable) supplémentaire de 10 millions de livres (6 600 dollars environ) aux montants des pensions imposables a été voté par les députés, et s’ajoute à un abattement familial. Cette imposition sera en vigueur à compter du 1er août 2019, comme suit :
• 1 % sur les pensions de retraite ne dépassant pas les 6 millions de livres (4 000 dollars).
• 2 % sur les pensions de retraite allant de 6 millions de livres (4 000 dollars) à 15 millions de livres (10 000 dollars).
• 7 % sur les pensions de retraite allant de 15 millions de livres (10 000 dollars) à 30 millions de livres (20 000 dollars).
• 11 % sur les salaires, traitements et les pensions de retraite allant de 30 millions de livres (20 000 dollars) à 60 millions de livres (40 000 dollars).
• 15 % sur les pensions de retraite allant de 60 millions de livres (40 000 dollars) à 120 millions de livres (80 000 dollars).
• 20 % les pensions de retraite allant de 120 millions de livres (80 000 dollars) à 225 millions de livres (150 000 dollars).
• 25 % sur les pensions de retraite supérieurs à 225 millions de livres (150 000 dollars).
– Les indemnités mensuelles perçues par les anciens présidents de la République, du Parlement, du Conseil des ministres et les anciens députés seront désormais soumises à l’impôt sur le revenu.
– L’ajout d’une septième tranche d’imposition pour les contribuables dont les salaires et les traitements sont supérieurs à 225 millions de livres (150 000 dollars).
– L’ajout d’une 6e tranche, supérieure à 225 millions de livres (150 000 dollars) pour les contribuables imposés sur les bénéfices industriels et commerciaux et qui seront taxés à 25 % à compter de l’exercice fiscal de 2019. Ils entraient jusque-là dans la 5e tranche taxée à 21 %.
– L’annulation de l’ensemble des exemptions douanières (tous types confondus), à l’exception des marchandises faisant l’objet d’accords commerciaux, des matières et équipements utilisés par les filières industrielles et agricoles, des équipements utilisés par les personnes aux besoins spécifiques, des véhicules électriques et hybrides, et des exemptions fiscales accordées dans le cadre de la loi fiscale régissant le secteur des hydrocarbures offshore. Les marchandises dont il peut être prouvé qu’elles ont été directement acheminées vers le Liban avant la publication de la loi de finances de 2019 pourront exceptionnellement bénéficier des exemptions.
– L’annulation des exemptions sur les frais d’enregistrement des véhicules et la taxe mécanique, à l’exception des personnes aux besoins spécifiques, de l’État, des institutions publiques, des municipalités, des corps consulaires et diplomatiques et des organisations onusiennes. Les présidents de la République, du Parlement et du Conseil des ministres, les députés et ministres qui bénéficiaient jusque-là de ces exemptions sont concernés par cette annulation.
– Une hausse des taxes collectées par la Sûreté générale :
• à 35 000 livres (23 dollars) pour une autorisation de diffusion d’un spot publicitaire ;
• à 700 000 livres (467 dollars) pour un permis de travail des artistes de 1re catégorie ;
• à 250 000 livres (167 dollars) pour un permis de travail des artistes de 2e catégorie ;
• à 25 000 livres (17 dollars) pour une entrée au port (déclaration mensuelle) ;
• à 250 000 livres (167 dollars) pour une entrée au port (déclaration annuelle) ;
• à 75 000 livres (50 dollars) pour les visas anticipés valables trois mois/à entrée unique ;
• à 150 000 livres (100 dollars) pour les visas anticipés valables six mois/à entrées multiples
– L’instauration de nouvelles taxes perçues par la Sûreté générale:
• 50 000 livres (33 dollars) pour toute affiche publicitaire ;
• 50 000 livres (33 dollars) pour tout changement de sponsor pour les travailleurs étrangers ;
• 200 000 livres (133 dollars) pour chaque autorisation annuelle accordée à un agent lui permettant d’accéder aux enceintes des ports ;
– Sans modifier les frais de passeport actuellement en vigueur, il sera désormais possible de demander un passeport d’une validité d’un an à 60 000 livres, de trois ans à 200 000 livres, de cinq ans à 300 000 livres ou de dix ans à 500 000 livres.
– Une augmentation des frais de permis de travail (accordés annuellement aux travailleurs étrangers) perçus par le ministère du Travail :
• 3 millions de livres (2 000 dollars) au lieu d’un million de livres (667 dollars) pour la 1re catégorie ;
• 2 millions de livres (1 333 dollars) au lieu d’un million de livres (667 dollars) pour la 2e catégorie ;
• Un million de livres (667 dollars) au lieu de 300 000 livres (200 dollars) pour la 3e catégorie ;
• 300 000 livres (200 dollars) au lieu de 50 000 livres (33 dollars) pour la 4e catégorie ;
– Le ministère du Travail et la Direction générale de la Sûreté générale seront désormais habilités à octroyer des permis de travail et des titres de séjour pour des durées d’un, de deux ou de trois ans. Les frais consisteront en les frais actuels multipliés par le nombre d’année de validité.
– Une augmentation des taxes sur les billets d’avion émis après la publication de la loi de finances de 2019 : à 125 000 livres (au lieu de 110 000 livres) pour les voyageurs en classe affaires et à 200 000 livres (au lieu de 150 000 livres) pour les voyageurs en première classe. Elle baissera en revanche pour voyageurs en jets privés à 400 000 livres (au lieu de 450 000 livres). La taxe pour les voyageurs en classe économique sera maintenue à 50 000 livres, alors qu’il était question au départ de l’augmenter à 75 000 livres.
– L’instauration de frais pour les établissements touristiques souhaitant obtenir une autorisation de fumer et répondant aux conditions sanitaires et légales préalables :
• Un frais forfaitaire de 5 millions de livres et de 3 000 livres par mètre carré pour les hôtels 5 étoiles ;
• Un frais forfaitaire de 2,5 millions de livres et de 2 000 livres par mètre carré pour les hôtels 4 étoiles, les restaurants, les bars, les salles de fêtes ;
• Un frais forfaitaire de 1,5 million de livres et de 1 500 livres par mètre carré pour les hôtels 3 étoiles ;
• Un frais forfaitaire de 1 million de livres et de 1 000 livres par mètre carré pour les hôtels 2 étoiles ;
• Un frais forfaitaire de 500 000 livres et de 300 livres par mètre carré pour les cafés.
– Les sociétés touristiques qui accueillent des groupes de touristes étrangers pour des voyages organisés seront soumises à une nouvelle amende de trois millions de livres (1 990 dollars) pour chaque touriste sous leur responsabilité qui ne se présente pas lors du retour prévu du groupe. Le paiement de cette amende devra se faire préalablement au retour du reste du groupe de touristes.
– La mise en place d’une contribution d’au minimum 20 millions de livres (13 333 dollars) pour l’enregistrement des nouvelles plaques d’immatriculation automobiles à 3 chiffres, en plus d’une taxe annuelle allant d’un million de livres (667 dollars) à 2,3 millions de livres (1 533 dollars) ; une contribution d’au moins 350 000 livres (233 dollars) pour celles à 4 chiffres en plus d’une taxe annuelle allant de 160 000 livres (107 dollars) à 1,3 millions de livres (867 dollars), entre autres.
– Afin d’encourager les personnes physiques et morales ayant acquis des biens immobiliers sans les enregistrer au registre foncier à le faire, en ne s’acquittant que de 2 % du montant de l’achat pour les transactions inférieures à 375 millions de livres (250 000 dollars) et à 3 % pour celles supérieures à ce montant.
– Les permis de construire dont la validité se termine cette année pourront être renouvelés pour une durée de deux ans, et ceux qui sont encore valables pour un an pourront être prolongés d’un an. Cette disposition a été ajoutée à la dernière minute par Bahia Hariri, pour permettre aux personnes ayant demandé un permis mais n’ayant pas pu effectuer leur construction au cours de ce délai pour des raisons économiques de le faire.
– Une taxe forfaitaire de 75 000 livres pour chaque générateur, et dont devront s’acquitter les propriétaires de ces générateurs. Cette disposition a également été ajoutée à la dernière minute par le député Yassine Jaber.
– Toute compagnie ou start-up opérant dans les technologies et soutenue par l’Autorité de développement des investissements au Liban (IDAL) verra ses cotisations sociales couvertes par cette dernière pour les nouveaux employés dont le salaire annuel ne dépasse pas 45 millions de livres, et ce durant leurs deux premières années d’activité.
Les mesures visant à lutter contre l’évasion fiscale
– Les municipalités sont désormais tenues de signaler au ministère des Finances les entreprises et les professionnels auxquels elles octroient des permis de construire sans qu’ils ne disposent de numéro fiscal.
– Les municipalités doivent effectuer des enquêtes de terrain auprès des entreprises et des professionnels en vue de compiler des informations fiscales et les transmettre au ministère des Finances.
– Une définition plus exhaustive de l’évasion fiscale incluse dans la loi sur les dispositions fiscales, afin d’intégrer notamment l’élément intentionnel.
Les nouvelles dispositions relatives à la comptabilité publique
– Le gouvernement est désormais tenu de rendre compte, chaque trimestre, au Parlement du déficit public réel, des dépenses décaissées, les versements échelonnés pour le remboursement des dettes intérieures et extérieures, les résultats des émissions de bons du Trésor et d’eurobonds et des avances du Trésor.
– Les dépenses liées aux accords de dons et de prêts extérieurs, noués avec des entités publiques et ayant été avalisés par un décret gouvernemental ou une loi doivent désormais faire l’objet d’un contrôle de la Cour des comptes. Ces fonds seront transférés aux entités publiques concernées par le biais du ministère des Finances, qui inclura le décaissement (en une fois ou de manière progressive) de ces crédits dans les budgets des exercices fiscaux concernés. Ces crédits seront inscrits au compte des dons du Trésor.
– L’ouverture de crédits exceptionnels par le président de la République, pour le financement de dépenses à caractère d’urgence, est plafonnée à 66,3 millions de dollars.
– Le Conseil des ministres fixera désormais les secteurs prioritaires devant bénéficier des prêts subventionnés par la Banque du Liban et les conditions d’éligibilité à ces prêts, sur une proposition des ministres des Finances et de l’Économie, et après consultation du gouverneur de la BDL.
– Une avance du Trésor de 1,13 milliard de dollars sera accordée à Électricité du Liban, qui viendra s’ajouter aux avances de 527 millions de dollars déjà accordées par le Parlement à EDL en mars et avril dernier pour l’achat de carburant. EDL n’a pas le droit d’utiliser ces avances pour un autre motif.
– À partir de 2021, l’ensemble des budgets annexes seront annulés et inclus dans le budget consolidé de l’État.