Le constructeur a porté plainte au civil au Japon pour récupérer une «partie significative» des dommages causés par son ancien patron. L’entourage de Ghosn dénonce les «manoeuvres» de Nissan.
L’affaire Ghosn continue au Japon, malgré l’absence du principal protagoniste. Ce mercredi, le constructeur automobile nippon Nissan a annoncé qu’il avait porté plainte devant le tribunal civil de Yokohama pour réclamer 10 milliards de yens (90 millions de dollars, ou 83,4 millions d’euros) de dommages et intérêts à son ancien patron Carlos Ghosn. L’entreprise explique avoir «intensifié sa campagne pour réclamer des dommages et intérêts à son ancien président», et dénonce à nouveau sa «fuite illégale loin de la justice» japonaise. Le groupe japonais déclare dans un communiqué que cette plainte vise à récupérer une «partie significative» des dommages causés selon lui par son ancien patron durant des années de «mauvaise conduite et d’activités frauduleuses» de sa part.
Nissan a calculé cette somme en combinant plusieurs facteurs. D’abord, les «paiements frauduleux faits à ou par Ghosn», y compris liés à l’achat et l’utilisation de propriétés à l’étranger sans payer de loyer, «l’utilisation privée d’avions de la compagnie», les paiements de son avocat au Liban ou encore les «paiements à sa sœur». Ensuite, les «frais juridiques et réglementaires» encourus par l’entreprise au Japon, ainsi que dans d’autres territoires, dont les États-Unis et les Pays-Bas. À ce calcul s’ajoutent les «ressources et coûts liés à l’enquête interne» menée par Nissan sur les activités de Ghosn.
Une partie de ses critiques repose sur les éléments qu’un audit interne publié en septembre dernier avait souligné. A l’époque, le document expliquait notamment que Ghosn avait «acheté des résidences pour son usage personnel exclusif à Beyrouth et Rio de Janeiro, en utilisant environ 27 millions de dollars» d’une filiale de Nissan. L’homme d’affaires aurait parallèlement payé sa soeur 750.000 dollars pour un «contrat fictif de consultante», aurait utilisé lui-même ainsi que sa famille des avions de l’entreprise pour son usage privé et aurait aussi donné plus de «deux millions de dollars de fonds de l’entreprise» à des universités au Liban, «sans but commercial légitime».
En outre, Nissan précise qu’une procédure civile contre Ghosn est en cours dans les Îles vierges britanniques depuis fin août : des «paiements et transactions non autorisés ont été traités» par des entités créées pour cela dans ce territoire connu pour son cadre fiscal attractif. D’après Nissan, une partie des sommes détournées par l’ancien patron sont en effet passées par la société «Beauty Yachts», dirigée par l’épouse de Carlos Ghosn, et enregistrée aux Îles vierges britanniques. Cet argent aurait servi, in fine, à acheter un navire pour 12 millions d’euros, baptisé «Shachou» Le constructeur compte bien «tenir Ghosn responsable des dommages et des pertes financières subis par la société à cause de son mauvais comportement».
De plus, Nissan se dit également prêt à aller beaucoup plus loin : «le montant de la réclamation en dommages et intérêts devrait augmenter à l’avenir», prévient le constructeur, à mesure que la société devra sortir son portefeuille à cause des «fautes» de Ghosn. Le constructeur, furieux contre les propos tenus par son ancien PDG au Liban, se dit également prêt à engager une «action en justice distincte» contre les propos «infondés et diffamatoires» de Ghosn. Durant sa conférence de presse, le franco-libanais avait martelé qu’il était victime d’un «complot» de la part des dirigeants de Nissan, et qu’il n’avait commis aucune faute.
Quelques heures plus tard, l’entourage de Carlos Ghosn a réagi auprès de l’AFP, dénonçant les «manoeuvres» de Nissan. «Cette plainte est rendue publique à la veille des résultats financiers du groupe», souligne ainsi une source, avant d’ajouter que les sommes réclamées par l’entreprise, ont considérablement diminuées, passant de «35 milliards de yens» aux 10 milliards de yens actuels. Pour l’heure, la défense juridique de Ghosn ne compte pas commenter la plainte du constructeur nippon, préférant attendre de connaître le contenu de la plainte.
Ces annonces de Nissan interviennent quelques jours après la première audience publique tenue lundi au Pays-Bas, dans le cadre d’une procédure déclenchée dans ce pays par Ghosn. L’ancien PDG s’estime victime d’un renvoi illégal, et ses avocats ont averti qu’il était «prêt à se battre» pour laver son nom et obtenir réparation. Il réclame pour l’instant 15 millions d’euros d’indemnités à Nissan et Mitsubishi Motors, les accusant d’avoir enfreint le code du travail en vigueur au Pays-Bas. En face, Nissan maintient ses accusations contre son ancien patron : l’affrontement continue donc de plus belle.
Sourcev : Le Figaro