Le pays a subi la pire chute de son produit intérieur brut depuis cinq ans au quatrième trimestre 2019 et le coronavirus pourrait influer sur son économie.
Le Japon pourrait-il connaître une récession, c’est-à-dire deux trimestres consécutifs de recul de son produit intérieur brut (PIB) ? La question méride d’être posée alors que l’arichel a connu au quatrième trimestre 2019 la pire chute en cinq ans de son PIB et qu’il est désormais sous la menace du coronavirus. Une récession apparaît probable en raison des répercussions négatives encore difficiles à mesurer de l’épidémie de la nouvelle forme de pneumonie virale originaire de Chine et dont le Japon est à l’heure actuelle le deuxième foyer (355 cas issus du paquebot en quarantaine Diamond Princess, 59 cas autres).
Comparé à celui des trois mois précédents, le PIB de l’archipel a lâché 1,6 % entre octobre et décembre dernier, essentiellement victime de l’effet dissuasif sur la consommation de la hausse de TVA intervenue en octobre. Ce déclin marqué, le premier constaté en cinq trimestres, était attendu par les analystes. Il est néanmoins plus sévère que prévu et inédit depuis celui de 1,9 % qui avait suivi une précédente augmentation de cette même taxe sur la consommation en avril 2014. Transcrit en rythme annuel, le recul du 4e trimestre 2019 correspond à une chute de 6,3 %, a précisé le gouvernement.
La consommation des ménages a dévissé
Sur l’ensemble de l’année 2019, la croissance nippone s’est ainsi établie à +0,7 %, a précisé l’exécutif, un chiffre toutefois susceptible d’être revu ultérieurement, de même que celui du 4e trimestre. La consommation des ménages, principale responsable de la dégringolade constatée à la fin de l’an passé, a dévissé de 3 % sur un trimestre et les investissements des entreprises du secteur privé (hors biens fonciers) ont reflué de 3,7 % “le pire plongeon depuis celui enduré lors de la récession en 2008/2009”, souligne dans une note Marcel Thieliant de Capital Economics.
“La baisse de la consommation des ménages est en phase avec les attentes, mais celle investissements des entreprises est vraiment forte”, a souligné pour sa part Kazuma Maeda, de Barclays Securities, pour l’agence Bloomberg. La hausse de 0,4 % de la demande publique n’a pas suffi à compenser. Auparavant fixée à 8 %, la TVA est passée à 10 % sur la plupart des produits et services le 1er octobre 2019, hormis pour l’alimentation non consommée sur place et les journaux. Le gouvernement a pris diverses dispositions pour limiter les dégâts sur l’activité économique (ristournes sous forme de points en cas de paiement par carte ou porte-monnaie électronique), mais cela n’a pas empêché les consommateurs d’effectuer leurs gros achats avant l’augmentation, d’où le contrecoup constaté ensuite.
Le coronavirus, une réelle inconnue
Les Japonais ont aussi souffert du passage de plusieurs typhons meurtriers, dont Hagibis en octobre, ce qui a aussi un impact important sur le commerce. S’ajoutent à cela les effets négatifs de la guerre commerciale sino-américaines sur les exportations japonaises. La signature d’un accord préliminaire entre Pékin et Washington a apaisé les craintes sur ce volet, mais l’émergence soudaine du nouveau coronavirus en Chine fait planer une menace d’ampleur. “Est-ce qu’il faut craindre une nouvelle décroissance en janvier-mars à cause de ce virus ? Difficile à dire, mais la chute est telle sur la période précédente qu’on peut au moins s’attendre à un petit rebond de la consommation”, estime Kazuma Maeda.
“Il faut se préparer à une décroissance aussi au premier trimestre 2020”, juge en revanche Marie Iwashita de Daiwa Securities. Pour Takashi Shiono de Credit Suisse Securities, “des répercussions massives du coronavirus sont à redouter sur le secteur des services”. Le flux de touristes chinois qui alimentait ces dernières années la croissance économique nippone est stoppé net depuis que Pékin a de facto interdit à ses ressortissants de passer leurs vacances à l’étranger. Des magasins de Tokyo, des hôtels traditionnels de Hokkaido et autres lieux qui n’étaient pour ainsi dire fréquentés que par de riches Chinois sont désormais quasi désertés.
Cette épidémie, dont certains redoutent qu’elle ne se transforme en pandémie, tombe d’autant plus mal pour le Japon que doivent se tenir dans moins de six mois les jeux olympiques de Tokyo. “Avant même la publication des chiffres de 4e trimestre 2019, nous étions parmi les rares à penser que le PIB japonais se contracterait cette année 2020, mais désormais notre pronostic d’un recul de 0,2 % nous semble optimiste”, précise Marcel Thieliant. Afin de conjurer le pire, le gouvernement japonais a déjà annoncé, avant même que ne surgisse le coronavirus, un plan massif de soutien économique de près de 110 milliards d’euros, recette traditionnelle du Japon pour doper l’activité.
Source : Le Point