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Le Covid-19 fait exploser l’insécurité alimentaire dans le monde

Le Programme alimentaire mondial (PAM) de l’ONU estime que 120 millions de personnes supplémentaires, cette année, seront exposées à l’insécurité alimentaire. Les conséquences du confinement en sont la raison principale.

Alfredo Carry travaille dans la province de Santa Cruz, en Bolivie, auprès des communautés indigènes. En presque un an, il a vécu des élections présidentielles – contestées par l’ancien président Evo Morales avant qu’il ne jette l’éponge –, une transition politique chaotique, avant de plonger dans la crise du Covid-19.

« Depuis plus de quatre mois, nous sommes en quarantaine. Les gens en ville ont l’impression qu’ils ont le choix entre mourir du Covid 19 ou mourir de faim », résume-t-il.

270 millions de personnes fragilisées dans leur alimentation

Ils ne sont pas les seuls sur ce continent à le penser. « Le nombre de Latino-Américains qui souffrent d’insécurité alimentaire a augmenté de 269 % depuis le début de l’épidémie », résume Tiphaine Walton, porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM). À Santa Cruz, les plus en difficulté sont les petits commerçants et les travailleurs du secteur informel.

Ils se sont retrouvés, du jour au lendemain, privés d’emplois par un confinement strict. Chaque adulte bolivien a touché de la part de l’État, en tout et pour tout, une somme forfaitaire équivalente à 75 € pour l’ensemble du confinement.

Mais, dans cette région agricole riche, les produits alimentaires n’ont pas manqué. Alfredo Carry constate « que les prix n’ont pas flambé, pour la bonne et simple raison, que le pouvoir d’achat des consommateurs est en chute libre ».

Avant l’Assemblée générale de l’ONU qui débute la semaine prochaine, le PAM confirme qu’avec l’épidémie du Covid-19, le nombre de gens en situation d’insécurité alimentaire devrait augmenter de 80 % cette année. « Ils seraient ainsi 270 millions de personnes dans 79 pays à ne pas être certains de s’alimenter, contre 149 millions au début de l’année », indique l’organisation.

La fermeture des frontières et le confinement ont des effets dévastateurs

Adbouraman Saidou Boubawa est professeur d’histoire et géographie au lycée Goin-Taola de Maroua dans l’extrême nord du Cameroun. La reprise des classes a été reportée au 5 octobre à cause de l’épidémie. « Les enseignants vacataires ne sont pas payés et ont du mal à joindre les deux bouts », explique-t-il. Dans cette région frontalière du Nigeria, l’approvisionnement en produits alimentaires est fortement perturbé depuis au moins quatre mois.

« Nous n’avons pas exporté notre arachide et notre mil vers le Nigeria car les frontières étaient fermées du fait de la pandémie. Nous n’avons pas pu leur acheter du riz ou du sucre, comme nous le faisions d’habitude. Et nos commerçants qui vont acheter des produits à Dubaï ou en Chine n’ont pas pu y aller non plus. »

La fermeture des frontières et le confinement ont eu des effets dévastateurs sur les ressources de centaines de millions d’Africains. À Bouaké, en Côte d’Ivoire, le docteur Romand Zran constate que « la viande de bœuf qui est très prisée ici n’arrivait plus du Mali et du Niger, car les frontières étaient fermées. La situation s’est normalisée aujourd’hui, et la psychose a disparu. Il faut dire que nous avons eu très peu de cas de Covid-19 ».+

Le directeur exécutif du PAM, David Beasley explique : « Avant de décider d’un confinement de la population, il faut mettre en place un filet social de sécurité. Sans ça, c’est la porte ouverte  par exemple pour les populations du Sahel – à la famine, à la déstabilisation sociale et à des migrations de masse. » Dans le monde, cette année, son organisation aura fourni de la nourriture à 138 millions de personnes.

Des distributions alimentaires sont organisées

Des initiatives privées se mettent aussi en place. Et pas seulement dans les pays du Sud. – En Grande-Bretagne, par exemple, on a constaté une augmentation du nombre de personnes qui avaient besoin de recourir aux distributions alimentaires –. En Inde, des sociétés privées ont financé des programmes alimentaires pour la population fragile.

« L’État indien a rendu obligatoire, pour les grandes entreprises, des activités dites de mécénat, en fonction de leur chiffre d’affaires », explique Dominique Dufau de la Maison des Himalayas, qui vient en aide aux enfants handicapés de l’État d’Himachal Pradesh. Elle estime que la situation alimentaire est moins critique dans les campagnes.

« Une fois que le gouvernement a autorisé à nouveau les déplacements, beaucoup de citadins sont retournés vivre dans leur terre d’origine, où il est plus facile de s’alimenter. Dans les zones rurales, les familles ont accès à des produits alimentaires de première nécessité, comme le riz ou le sucre, vendus à des prix subventionnés. »

L’épidémie a stoppé les progrès de développement

La Fondation Gates a remis son rapport annuel Goalkeepers sur l’avancement des Objectifs du développement durable (ODD).

Il constate qu’« après vingt ans d’avancées vers les objectifs mondiaux de réduction de la pauvreté et d’amélioration de la santé, le Covid-19 a stoppé ces progrès dans leur élan. Le monde a régressé cette année sur presque tous les indicateurs ».

Le taux mondial de vaccination a chuté de 84 % à 70 %, un recul de vingt-cinq ans en vingt-cinq semaines.

Le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté – avec 1,90 dollar par jour ou moins – a augmenté de 7 % après plus de vingt années consécutives de déclin. 553 millions de personnes sont concernées, soit 37 millions de personnes de plus que l’an dernier.

Source : La Croix

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