L’analyse des données d’une grande utilité pour mieux définir la stratégie sanitaire, et notamment vaccinale, de la France.
I l est trop facile d’affirmer sans argument qu’on aurait fait mieux face à la situation actuelle de crise sanitaire. Cela étant dit, on peut, avec honnêteté intellectuelle, remettre en cause ou au moins questionner l’absence de la part de nos dirigeants de métriques sur lesquelles les stratégies de gestion de crise sont pensées, discutées, décidées et finalement validées. Car, au risque de contrarier les réactionnaires de la donnée, les data ont un pouvoir puissant quand il s’agit d’éclairer une stratégie ou encore d’en mesurer l’efficacité. Que ce soit sur le choix du couvre-feu, les mesures de confinement ou encore, plus récemment, la stratégie de vaccination, les questions sur les motivations et la mesure de la réussite de ces décisions sont nombreuses. Jusqu’à se poser la terrible question : où sont les métriques de l’État ?
Après le nombre de personnes infectées, le nombre de lits en réanimation occupés et le triste nombre de décès, voici à présent le nombre de vaccinations par jour, qui rythme les actualités et les discussions souvent mouvementées entre citoyens. Il existe bien des data sur lesquelles le gouvernement décide et communique, mais elles ne sont apparemment pas assez développées, raffinées ou encore communiquées. Qu’on s’entende, la situation est difficile à anticiper et délicate à expliquer. Mais les datas ne semblent pas être suffisamment collectées, exploitées et partagées pour résoudre efficacement les nombreux problèmes de cette crise sanitaire.
Une gestion analytique ambitieuse, mais pas impossible
Une compréhension analytique plus fine de la situation, incluant les contaminations, mais aussi l’activité humaine, telle que la mobilité, pourrait aider à construire une stratégie de confinement relative dans le temps et dans l’espace, et peut-être nous éviter un (semi)-confinement national. La data pourrait également contribuer à dessiner une logistique de vaccination analytiquement orientée en offrant à la population, par ordre de priorité, les facilités médicales et les infrastructures des collectivités, mais aussi en s’assurant que la deuxième dose a été administrée. Le tout en temps quasi réel. Enfin, les données seraient un allié fondamental pour modifier la stratégie à la volée par une boucle intelligente de rétroaction à partir des métriques de réussite. Cette gestion analytique est fortement ambitieuse, mais pas impossible.
Sans tomber dans une gouvernance par les nombres tant redoutés par Alain Supiot, on reconnaîtra leur pouvoir et leurs bénéfices. Évaluation instantanée, suivi dans le temps et dans l’espace, comparaison ou encore extraction de tendances statistiques, les nombres nous donnent des indications et un certain retour sur une action en cours. Cela étant dit, il faut savoir les manipuler, et avoir le recul nécessaire pour ne pas tomber dans un biais analytique et statistique dû à un mauvais échantillon ou à une analyse trop grossière. En cela, le conseil des 35 citoyens chargé d’accompagner la stratégie vaccinale du gouvernement laisse à réfléchir et fait planer un doute sur la méthode (scientifique) de l’État.
L’État a peut-être fait les bons choix, mais l’absence de communication claire sur les fameuses métriques décisionnaires et de succès empêche toute appréciation de sa stratégie. Pythagore affirmait que toute chose est nombre, le gouvernement n’a plus qu’à compter…
Source : Le Point.fr