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Tour du monde des applications mobiles de traçage des contacts

D’un bout à l’autre de la planète, les pays cherchent des solutions et des outils technologiques pour les aider à freiner la propagation de la COVID-19

Afin d’accompagner leur stratégie de déconfinement, de nombreux pays dans le monde ont adopté, développent ou réfléchissent à des applications pour téléphones intelligents permettant le traçage des contacts. Elles sont destinées à alerter un utilisateur d’un contact avec une personne infectée par le coronavirus.

Tour du monde de ces applications mobiles, sur la base du volontariat ou imposées par les autorités, notamment en Asie, ainsi que des débats suscités – ou pas – sur les questions d’efficacité, de confidentialité, d’utilisation des données et de respect de la vie privée.

Au Québec, deux technologies sont présentement étudiées afin de contrôler une deuxième vague de la pandémie, grâce à la géolocalisation à grande échelle des citoyens, a appris notre Bureau d’enquête.

Le gouvernement Legault pourrait décider d’avoir recours à une application basée sur la technologie Bluetooth ou sur la localisation GPS.

Le Bluethooth permet à votre cellulaire d’échanger de l’information avec tous les autres téléphones que vous croisez pendant la journée, alors que le GPS permet à une tierce partie de savoir en tout temps où vous vous trouvez. Les déplacements de ceux qui devraient se trouver en quarantaine peuvent ainsi être épiés.

Or, « il y aura protection des données personnelles », a assuré le premier ministre François Legault.

 

Au Canada, l’Alberta est devenue la première province canadienne à intégrer une application de traçage dans sa stratégie de reprise. L’application ABTraceTogether est offerte sur une base volontaire et utilise le signal Bluetooth des utilisateurs.

Ceux qui sont infectés par la COVID-19 doivent d’abord approuver le partage de leurs données pour que l’application puisse aviser ceux qui ont été en leur contact.

Ailleurs au Canada, aucune application mobile n’a été mise de l’avant. Les géants Google et Apple font partie des firmes qui ont approché le gouvernement fédéral pour offrir des solutions technologiques qui permettraient de retracer les cas probables de propagation de la COVID-19.

Le premier ministre Justin Trudeau n’a pas fermé la porte à l’utilisation de données cellulaires pour retracer les personnes ayant été en contact avec des gens atteints de la COVID-19. Il a toutefois reconnu qu’il fallait avoir des balises claires pour ne pas trop empiéter sur la vie privée des individus.

 

Aux Etats – Unis, impossible pour les Américains de reproduire le modèle sud-coréen, par exemple. Aux États-Unis – pays à la fois vigilant sur les libertés individuelles et hautement décentralisé – plusieurs juridictions, villes et États optent pour l’embauche de milliers d’enquêteurs de santé publique.

Ils devront appeler au téléphone tous les cas confirmés de COVID-19 afin de dresser une liste de toutes les personnes qui ont passé plus de 15 minutes à moins de deux mètres de distance d’elles… et appeler ces contacts-là ensuite pour les inciter à la quarantaine.

Le Massachusetts a été le premier à lancer le programme, début avril, et a recruté des milliers de « contact tracers », des chercheurs ou recenseurs de contacts. San Francisco le fait aussi, à son échelle. L’État de New York est en train de le mettre en place.

En plus de cette « armée » d’enquêteurs, d’autres initiatives émergent. Par exemple, l’ancien maire de New York Michael Bloomberg a annoncé la semaine dernière travailler au développement de trois applications pour téléphones intelligents pour aider l’État de New York à retracer chaque personne qui entre en contact avec quelqu’un d’infecté.

 

En Chine, plusieurs applications ont été lancées ces dernières semaines : celle du gouvernement, celle de la capitale, Pékin, et celles d’autres collectivités locales. Elles délivrent toutes des codes « vert » (aucun problème), « orange » (obligation de se placer en quarantaine à la maison) ou « rouge » (obligation de se placer en quarantaine dans un lieu centralisé, en général dans un hôtel).
Mais les méthodes diffèrent suivant les applications (informations venant des billets de train, d’avion ou résultats basés sur la géolocalisation).

Ces outils n’ont pas généré de débat public . De par leur côté automatisé et systématique, ils ont joué un rôle dans la reprise du travail et le blocage de l’épidémie (zéro mort depuis mi-avril).

En Corée du Sud, les personnes déclarées positives et les personnes confinées doivent télécharger une application mobile officielle permettant aux autorités de contrôler leurs déplacements en temps réel. Les contrevenants risquent un an de prison ou une lourde amende.

 

À Hong Kong, les autorités utilisent des bracelets pour suivre toute personne de retour de l’étranger et mise en quarantaine pendant 14 jours.

Le bracelet est connecté à un téléphone via Bluetooth ou une application qui utilise le GPS ou le wifi pour suivre les déplacements de la personne.

Le téléphone envoie un message d’alarme aux autorités si le bracelet et le téléphone venaient à être séparés, et le contrevenant risque la prison ou une amende.

Peu de critiques ont été suscitées sur les atteintes à la vie privée.

 

En Australie, près de deux millions d’Australiens (sur 25 millions d’habitants) ont téléchargé l’application « COVIDSafe », lancée il y a environ une semaine et qui utilise la technologie Bluetooth.

Face aux inquiétudes sur la sécurité, la vie privée et l’utilisation des données personnelles par le gouvernement conservateur, le ministre australien de la Santé a affirmé que « COVIDSafe » ne permettait pas la géolocalisation et que seules les autorités sanitaires utiliseraient les données.

 

A Singapora,  l’application « TraceTogether », qui utilise la technologie Bluetooth permettant à des téléphones intelligents de communiquer entre eux, y a été lancée dès le 20 mars. TraceTogether est une initiative gouvernementale qui ne semble pas avoir déclenché de débat sur les questions de vie privée, dans un pays doté de lois qui punissent sévèrement l’expression de toute dissension.

Selon des chiffres officiels, l’application a été téléchargée par environ 1,1 million de personnes, environ 1 personne sur 5. Or, pour être efficace, il faudrait que les trois quarts de la population la téléchargent, a reconnu le gouvernement. C’est l’un des principaux écueils auxquels vont faire face les autres pays utilisateurs de ces applications.

 

DES DISPARITÉS EN EUROPE

  • Application pour toute l’Europe ? Une application paneuropéenne a été développée par quelque 130 scientifiques. La France participe notamment à ce projet. Mais en Allemagne, par exemple, cette application a rencontré une forte opposition, car il était prévu que les données soient stockées sur un serveur central, suscitant les craintes que des gouvernements récupèrent ces données personnelles et s’en servent à des fins de surveillance.
  • La France a opté pour le Bluetooth et non pour la géolocalisation. L’application StopCovid fonctionnerait sur la base du volontariat. Le projet est controversé en France et est critiqué jusqu’au sein de la majorité présidentielle pour ses risques concernant la vie privée.   Le choix français d’architecture centralisée (régulièrement, nos téléphones intelligents iraient vérifier sur un serveur central que notre pseudonyme n’est pas dans la liste des pseudonymes croisés par une personne contaminée. Si notre pseudonyme est sur une liste, nous recevrons un message d’alerte) est aussi de plus en plus isolé.
    • Le gouvernement de l’Allemagne a décidé de soutenir une application de traçage utilisant la technologie développée par Google et Apple, abandonnant une solution nationale critiquée pour son défaut de protection de la vie privée.

    Selon le ministre allemand de la Santé, Berlin privilégie une application qui permettrait de stocker les données des utilisateurs sur leur propre téléphone plutôt que dans une base de données centrale.

    • En Italie, aucune date officielle n’a été fixée pour la mise à disposition d’« Immuni ». Son développement serait retardé par des questions soulevées sur la vie privée, et sur le fait de savoir si cela serait obligatoire, notamment.

 

Pour être efficace, cette application doit être téléchargée par 60 % d’Italiens, soit 35 millions de personnes, ce qui correspond pratiquement à tous les propriétaires de téléphones intelligents dans le pays, a estimé Francesco Paolo Micozzi, chargé de cours sur le numérique à l’Université de Pérouse. Lui-même ne l’utiliserait pas à cause de problèmes d’atteinte à la vie privée.

  • En Belgique, deux hypothèses sont à l’étude : une application mobile de suivi des contacts à télécharger sur son téléphone intelligent (sur une base volontaire), mais les spécialistes préviennent qu’il faudrait qu’au moins les deux tiers des Belges la téléchargent pour qu’elle soit efficace. Ou bien une méthode dite « manuelle », avec un centre d’appel chargé de contacter toutes les personnes ayant été en contact avec un malade de la COVID-19.
  • La Grande-Bretagne étudie des projets pour développer sa propre application, utilisant la technologie Bluetooth, attendue dans les prochaines semaines. Des voix se sont élevées dans ce pays pour exprimer leurs inquiétudes sur les atteintes à la vie privée, notamment sur le fait que des Britanniques pourraient être forcés de partager des informations sur leurs déplacements.
    • Par contre, en Espagne, il n’y a pas pour le moment d’application pour téléphone intelligent de traçage via Bluetooth.
    • La Suisse a opté pour un projet propre, distinct de l’application paneuropéenne, qui « répond mieux aux besoins de la Suisse en matière de protection maximale de la vie privée ». Baptisé DP-3 T, basé sur un protocole Bluetooth, il sera mis à la disposition de la population à partir de la mi-mai.

    L’utilisation de l’application sera facultative et anonyme. Il n’y a pas dans ce pays de réel débat public sur le sujet.

Source : Le Journal de Montréal

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