Le trio anglo-saxon est récompensé pour sa « contribution décisive », à des années d’écart, à « la découverte du virus de l’hépatite C », a indiqué le jury Nobel, en pleine course mondiale pour percer les secrets d’une autre pandémie, celle de la COVID-19.
À la fin des années 70, Harvey Alter avait identifié qu’une contamination hépatique mystérieuse avait lieu lors de transfusions alors qu’elle n’était ni liée à l’hépatite A ni l’hépatite B, a souligné le jury, ce qui a notamment contribué à réduire à quasi néant les transmissions par ce biais.
Des années plus tard, en 1989, Michael Houghton et son équipe, basés au Canada, sont eux crédités de la découverte de la séquence génétique du virus.
Quant à Charles Rice, 68 ans, il a ensuite décortiqué pendant de longues années la façon dont le virus se répliquait, des travaux qui ont notamment conduit à l’émergence d’un nouveau traitement révolutionnaire au tournant des années 2010, le sofosbuvir. « Il a apporté la preuve finale que le virus de l’hépatite C pouvait provoquer à lui seul la maladie », a souligné Patrik Ernfors le président du comité qui choisit les lauréats.
« Je pense que c’est assez facile de faire le lien avec la situation actuelle », a souligné ce dernier. « La première chose à faire est d’identifier le virus en cause, et une fois que cela a été fait, c’est le point de départ au développement de traitements de la maladie, ainsi que de vaccins. Donc la découverte virale est un moment critique », a-t-il souligné.
L’Organisation mondiale de la santé estime à quelque 70 millions le nombre d’infections par l’hépatite C causant 400 000 décès chaque année, même si des traitements efficaces, quoique très coûteux, ont été développés ces dernières années.
Le prix est le premier directement lié à un virus depuis celui de 2008. En 1976, le Nobel était déjà allé à des travaux sur l’hépatite B.
« Ils m’ont réveillé, vers 4 h 15 du matin. Je n’avais même pas réalisé que c’était aujourd’hui. C’est époustouflant », a réagi à la radio publique suédoise Harvey Alter, qui devient à 85 ans un des lauréats les plus âgés du Nobel de médecine, sans battre le record (87 ans).
Ils sont désormais 210 hommes à s’être vu décerner le prix « de physiologie ou de médecine » depuis sa création en 1901, et seulement 12 femmes.
De la découverte il y a plus d’un demi-siècle de deux types de lymphocytes, B et T, essentiels dans la compréhension de notre système immunitaire, jusqu’à la percée des « ciseaux moléculaires » en génétique dans les années 2010, en passant par des travaux sur le cancer du sein, plusieurs grandes avancées médicales-et leurs auteurs-étaient cités par les experts comme nobélisables cette année.
D’autres scientifiques avaient été évoqués comme nobélisables pour leurs travaux sur l’hépatite C, l’Allemand Ralf Bartenschlager pour de la recherche fondamentale, et l’Américain Michael Sofia pour la mise au point du sofosbuvir, désormais vendu à prix d’or par le laboratoire Gilead sous le nom de Sovaldi.
PREMIÈRE DEPUIS 1944
L’an dernier, le Nobel de médecine avait récompensé les Américains William Kaelin et Gregg Semenza, ainsi que le Britannique Peter Ratcliffe, spécialistes de l’impact de l’oxygène sur les cellules.
Si les Nobel 2020 sont bien annoncés comme prévu cette semaine, le coronavirus a entraîné l’annulation de la cérémonie physique de remise des prix, le 10 décembre à Stockholm. Une première depuis 1944.
Le ou les lauréats annoncés lundi, qui se partageront près d’un million d’euros, doivent recevoir leur prix dans leur pays de résidence.
Cette édition 2020 des Nobel, qui se poursuit mardi avec la physique et mercredi avec la chimie, est considérée comme particulièrement ouverte.
Pour la paix vendredi, la liberté de la presse (Reporters sans frontières, Comité pour la protection des journalistes…) ou le climat, avec l’adolescente suédoise Greta Thunberg et les Fridays for Future, ou encore l’OMS sont évoqués pour succéder au premier ministre éthiopien Abiy Ahmed.
Pour la littérature jeudi, sont pronostiqués une quinzaine de profils allant de l’Américano-caribéenne Jamaïca Kincaid à l’Albanais Ismaïl Kadaré en passant par la Canadienne Anne Carson. À moins que Michel Houellebecq ou Maryse Condé, n’apportent un seizième prix à la France, leader mondial des lauréats.
Source : AFP